Depuis quelques années, l'idée qu'un bon jeu de combat tactique se doit d'avoir des graphismes travaillés et agréables à l’œil s'est peu à peu imposée. Si les derniers XCOM ont eu autant de succès, c'est sans doute davantage parce qu'ils ont su faire mieux que le quadrillage pixellisé et franchement dégueu' des vieux épisodes que parce qu'ils les auraient surpassés au niveau des possibilités stratégiques. Voilà où nous en sommes : des tas de jeux géniaux des années 1990 nous permettent de réaliser nos fantasmes de tacticiens les plus fous, mais on préfère attendre le prochain Banner Saga plutôt que de s'esquinter les yeux en relançant Jagged Alliance. C'est quand même dommage. Heureusement, il y a les Chinois.
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Low Magic Age
Engrainage et sortilèges
L'adage veut qu'on s'habitue vite au luxe, et chacun sait que le luxe, c'est dangereux. Mais le luxe, ce n'est pas forcément des draps de soie et des baignoires en or massif. Luxe peut signifier « repas savoureux », « nuits paisibles » ou « voisins sympas ». Dans le monde des jeux vidéo tactiques, par exemple, le « luxe », ce sont de jolis graphismes.
On critique la laideur du jeu, mais son interface soignée rappelle presque celle des jeux Amplitude.
On critique la laideur du jeu, mais son interface soignée rappelle presque celle des jeux Amplitude.
Low Magic Age n'existe que pour ses combats.
Faucheurs d'OGL. Pendant qu'en Occident tout le monde s'empiffre de graphismes chatoyants à la fourchette, en Chine, certains développeurs n'ont pas conscience de la décadence dans laquelle nous nous enfonçons ; personne ne leur a dit qu'on s'était habitué au luxe du beau. Alors voilà, ils sortent des jeux comme il y a vingt ans : moches et pleins de possibilités tactiques. Tenez, ils sont tellement à la ramasse que Low Magic Studios a choisi comme système de jeu l'OGL (Open Game Licence), un squelette des règles de Donjons & Dragons (D&D) que Wizard of the Coast avait mis en place pour que tout le monde puisse utiliser gratuitement les mécanismes de D&D. Des bases solides pour construire un jeu, mais qui l'éloignent aussi de la simplicité rassurante d'un XCOM pour le faire entrer dans le domaine mystérieux des 3d6 de dégâts, des fiches de perso velues et des mages démonistes demi-elfes. Au moins, ça change.
L'aventure, c'est extra D'après les développeurs, le plus dur est fait : ils redoutaient particulièrement la mise en place du système de combat, désormais fonctionnel après un an de dur labeur. Low Magic Studios est très confiant sur la suite, c'est-à-dire l'implémentation du mode aventure du jeu. Celui-ci devrait arriver dans l'année, mais on a quand même peur qu'en Chine, on ait sous-estimé la masse de travail que représentent des quêtes aléatoires, du multi-classing, des monstres uniques ou la possibilité de tenir une boutique, puisque tout cela fera partie du mode aventure. Ne soyons pas trop pressés.
Races et histoires. Comme le veut la tradition des jeux qui demandent de diriger un groupe d'aventuriers pendant un massacre de gobelins, Low Magic Age commence par une phase de création de personnage. Pas de panique : dans un incroyable élan de générosité, les développeurs ont rendu optionnelle cette phase initiale – un groupe d'aventuriers par défaut existe et il est même possible d'y adjoindre d'un clic un archétype d'invocateur ou de barbare, sans passer par le délicieux casse-tête que représentent les choix successifs d'une race, d'une classe, d'attributs, de compétences, de sorts et d'une apparence. Évidemment, les joueurs chevronnés voudront se créer un groupe sur mesure, mais on notera qu'un néophyte peut se jeter dans le grand bain sans avoir à passer par la description détaillée de ses personnages – et sans se faire trop traiter d'hérétique : la création de perso assez traditionnelle de Low Magic Age n'est finalement pas l'élément le plus important du jeu. Ce qui compte, c'est d'amener chaque aventurier à progresser, de le faire patiemment monter de niveau et de l'équiper. Ce qui nous amène au cœur du jeu : les combats.
Guère de tranchées. Low Magic Age n'existe que pour eux. Ce ne sera pas toujours le cas, bien sûr, puisqu'un mode histoire permettra un jour d'explorer des donjons entre deux bastons. En attendant, le jeu ne consiste qu'en une gigantesque arène, dans laquelle on peut gérer ses différentes équipes de guerriers et leur acheter des objets avant de choisir l'une des batailles disponibles – les terminer toutes donne accès à un nouvel assortiment d'ennemis un peu plus difficiles, et ainsi de suite. Choisir un adversaire téléporte le groupe dans un niveau aléatoire, où le combat au tour par tour est déjà engagé et où les ennemis sont encore planqués dans l'ombre du brouillard de guerre. Le reste est assez classique : on envoie le guerrier du groupe devant pendant que le mage à l'arrière lance ses boules de feu, que l'archère décoche ses flèches, que le prêtre soigne et que le voleur fuit comme un couard. Les contraintes qui pèsent sur les affrontements – champ de vision, couverts, zone de contrôle, délais de récupération, etc. – sont assez nombreuses pour qu'il faille cogiter un minimum. La possibilité de constituer des groupes éclectiques aux possibilités tactiques variés, avec six personnages maximum pour une bonne dizaine d'archétypes possibles, augmente encore la richesse du jeu. Bref, si Low Magic Age ne coche pas toutes les cases du tour par tour parfait, c'est uniquement parce qu'il a choisi de faire évoluer les personnages sur un vulgaire damier de carrés au lieu d'opter pour une élégante grille d'hexagones.
Gâteau à lame, mais las. Au bout du dixième combat, on commence tout de même à se demander s'il ne manque pas quelque chose pour nous tenir en haleine : les ennemis ont beau devenir des loups-garous au lieu de simples bandits, nos héros ont beau gagner de nouvelles compétences, on s'embourbe peu à peu dans une routine sans grande excitation. Notez que cet ennui s'explique très bien : cet accès anticipé ne permet de goûter qu'à un seul des aspects du futur Low Magic Age, le mode arène, et pas à sa future campagne. Quant aux mécanismes de jeu inspirés de l'OGL, ils brillent certes par leur équilibre, mais leur profondeur très mesurée ne garantit pas de conserver l'excitation des combats passé le cinquantième en une heure. Les bases de Low Magic Age sont solides et ce que nous montre sa version actuelle est impeccablement exécuté, mais il reste sans doute encore trop malingre pour qu'on le recommande chaudement à tous les amateurs d'orcs coupés en deux. Ce temps viendra.
