Oui, bien sûr, il y a des problèmes plus importants. L'État islamique, la grippe aviaire, le chômage, le règne imminent d'Emmanuel 1er... Alors quand j'ai proposé cet article à la rédaction, ils m'ont dit « euh, attends, tu veux vraiment faire deux pages sur les logos qui s'affichent en chargement des jeux vidéo ? ». Oui, je le veux ! ai-je hurlé en bondissant de ma chaise et en bombant mon torse poilu. Car vous allez le voir, la situation devient incontrôlable. Nous sommes à l'orée de ce que j'appelle la logoxplosion. Si nous ne faisons rien, il faudra bientôt appuyer 92 fois sur la barre d'espace avant d'accéder au menu principal d'un jeu.
Transformé en archive gratuite
- Cet article, initialement réservé aux abonnés, est devenu gratuit avec le temps.
Cet article vous est présenté par Canard PC
Appuyez sur une touche pour continuer
Cela fait des années que j'ai envie d'écrire ce texte. Des années que je bouillonne à chaque fois que je découvre un jeu et me retrouve enseveli sous les logos qui défilent, les cinématiques de présentation, les avertissements contre l'épilepsie. J'enfonce alors la touche Escape comme un taré en espérant pouvoir zapper tout ça. Il est temps de crier ma haine à la face du monde.
Je voulais juste lancer Steep, au lieu de ça j'ai droit à un roman anxiogène.
Le genre d'écran qui me rend fou. Aucune info intéressante, du charabia légal, mais il faut absolument appuyer sur une touche pour continuer.
YOLO les logos. Tenez, prenons le pire exemple du moment : Ubisoft. J'ai étudié trois de leurs jeux récents : Watch Dogs 2, Steep et Rainbow Six : Siege, pour tenter de comprendre s'il y avait une logique dans ce que j'appelle le « tunnel d'arrivée au menu principal ». Réponse : non, il n'y en a pas. Chaque équipe de développement semble faire sa propre petite tambouille. Sur Watch Dogs 2, on doit se taper obligatoirement près de huit secondes de logos Ubisoft et Nvidia, suivies par un avertissement sur l'épilepsie pendant que le jeu charge. Sur Steep, vous avez quatre écrans successifs (logo Ubisoft, avertissement sur l'épilepsie, avertissement sur les dangers de la montagne, avertissement sur le fait d'éteindre durant une sauvegarde...) pour un total de plus de 20 secondes, mais il est possible de tout zapper d'une seule touche. Quatre écrans inutiles aussi sur Rainbow Six, mais eux ne peuvent pas se passer d'un seul coup comme sur Steep : il faudra ici appuyer trois fois sur une touche pour s'éviter environ 17 secondes d'attente.... Ça et là, les développeurs nous gratifient d'un menu totalement inutile affichant simplement le logo du jeu. Il faut alors obligatoirement appuyer sur une touche pour parvenir à l'étape suivante... Pourquoi ? Quel est l'intérêt pour l'utilisateur d'une telle interaction ? Si je viens de cliquer sur l'icône Steep dans Uplay, ai-je vraiment besoin d'un écran m'affichant « STEEP » en énorme sur fond de paysage alpin ? Ne serait-il pas plus judicieux de m'envoyer directement sur les skis ? Et je vous passe les menus « logos des partenaires », comme sur Rainbow Six. Je n'ai pas besoin d'avoir une liste exhaustive des middlewares utilisés dans le jeu. Foutez-moi ça dans le menu des crédits, ça suffira largement.
97 222 jours. Je sais ce que vous vous dites. « C'est bon mec, calme-toi, respire par le nez... » Mais laissez-moi vous détailler un petit calcul qui va vous donner le vertige. Nous sommes en 2019 et l'éditeur Actisoft sort Grand Theft of Duty : The Montargis Chronicles. Succès planétaire, le jeu se vend à 40 millions d'exemplaires toutes plateformes confondues – le genre de score que ferait un très, très bon AAA dopé au marketing. Au démarrage du jeu, avant même le chargement des données, s'affichent un logo Actisoft pendant 3 secondes puis un logo Tartempion Technology, célèbre fabricant de cartes graphiques, pendant 4 secondes. Et le producteur du jeu décide que ces écrans ne seront pas zappables (comme Ubisoft l'a fait sur Watch Dogs 2). Maintenant, accrochez-vous. Postulons que chaque utilisateur, en moyenne, lance le jeu 30 fois. Au total, le temps gaspillé devant ces logos par les joueurs sera de... 8,4 milliards de secondes. Ce sont 2,3 millions d'heures, soit 97 222 jours que des êtres humains passeront à attendre que des logos à la con veuillent bien disparaître de l'écran pour qu'ils puissent profiter de leur jeu. 97 222 jours foutus en l'air pour afficher des idioties du genre « Presented by Actisoft » et « Best Played on Tartempion Technology ». 97 222 jours durant lesquels un père ne bercera pas son bébé, une jeune fille ne tombera pas amoureuse, un roman ne sera pas lu, une symphonie ne sera pas composée. 97 222 journées perdues par l'humanité pour trouver le vaccin contre le sida ou le secret de la fusion froide.
Oui Eidos, elle est belle votre animation de logo. Mais au bout de 700 fois, elle lasse.
AMD et Nvidia se disputent le juteux marché des « logos à afficher en début de jeu juste pour faire chier l'utilisateur ».
Juste cause. Ha ha, vous voyez ! Ma croisade ne vous semble plus si idiote que ça. D'autant que cette logoïte aiguë ne semble pas toucher tout le monde. Lancez quelques bons titres indés et vous verrez tout de suite la différence. Oxygen Not Included de Klei, par exemple, vous balance immédiatement dans le menu principal après une simple bafouille sur le statut d'accès anticipé du jeu. Rimworld n'affiche aucun logo ni avertissement contre l'épilepsie, la diarrhée jaune ou les tartines qui tombent du mauvais côté. Idem pour Factorio et Banished. Prison Architect est le plus fin du lot : il affiche rapidement le logo du studio et une petite cinématique au premier lancement du jeu, puis vous balance directement dans votre prison la plus récente lors des sessions suivantes. Et pourtant, surprise, ces jeux sont achetés, joués et adulés par des centaines de milliers de personnes... Je voudrais donc terminer en m'adressant avec humilité et respect à ces développeurs et décideurs de l'industrie vidéoludique. Arrêtez avec vos logos. Arrêtez avec vos avertissements à la con que plus personne ne lit. Foutez-nous tout ça dans un écran « Bidules légaux et branlette corporate » accessible depuis le menu principal que les masochistes pourront se passer en boucle si ça les amuse. Essayez plutôt de réduire au strict minimum le temps que le joueur devra passer pour enfin profiter de votre jeu. La vie est trop courte pour la passer à regarder un emblème qui tournoie ou un « Attention, ne vous insérez pas la souris dans le rectum en jouant à ce jeu ».
Ah, merci de m'afficher ce gros logo du jeu juste après avoir cliqué sur l'icône du jeu. Merci aussi de m'obliger à appuyer sur une touche pour continuer.
Oui, merci, au bout de 25 ans on sait qu'il ne faut pas éteindre la machine durant une sauvegarde...