Initialement réservé aux productions free-to-play locales, puis aux free-to-play « occidentaux » tels la star maison League of Legends ou l’adaptation FIFA Online 3, l’ex-TGP accueille depuis un an des jeux occidentaux payants. On y trouve notamment quelques indépendants dont Tencent prend en charge la localisation et la distribution : ainsi, sur les traces de Don’t Starve qui s’est vendu à un million d’exemplaires rien qu’en Chine, Stardew Valley doit sortir en avril et Paradox a passé un accord avec Tencent pour Cities Skylines et Stellaris. Il faut dire que le marché a de quoi faire saliver : WeGame compte plus de 200 millions d’utilisateurs rien qu’en Chine (à comparer aux 125 millions de Steam dans le monde entier en 2015).
Cependant, une grosse architecture et des millions d’utilisateurs pré-recrutés sur des jeux existants ne suffisent pas à créer un concurrent réel de Steam, sinon Origin, le bidule d’Electronic Arts, aurait déjà raplaplaté la bande à Gabe. Steam a été créé initialement pour rendre Valve capable de commercialiser lui-même ses jeux et donc se passer d’éditeur. Puis, fort de ce premier succès, il a ouvert ses linéaires virtuels aux produits des autres développeurs ou éditeurs, devenant un acteur plus global et un pionnier de la dématérialisation du jeu sur PC. Enfin, et surtout, Steam a rendu public et gratuit SteamWorks. Cet ensemble d’outils prêts à l’emploi permettait aux développeurs de résoudre aisément les problèmes posés par le jeu en ligne (entre autres), et facilitait la vie des utilisateurs sur les questions alors pénibles du multijoueur et de la communication en ligne. C’est notamment cela qui a entraîné le formidable succès de Steam : ne pas être seulement un magasin, mais un magasin qui règle des problèmes pour les acheteurs comme les vendeurs.
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Quand le Steam chinois s’éveillera
Il y a deux numéros de cela, début avril, je vous parlais de Tencent, la société chinoise qui est devenue en quelques années le premier éditeur de jeux vidéo au monde (en rachetant League of Legends et Clash Royale, mais aussi 40 % d’Epic et 25 % d’Activision-Blizzard). Figurez-vous que ce géant possède aussi une sorte de concurrent de Steam (Tencent Games Platform, TGP), qu’il a décidé récemment de redynamiser (et de renommer à cette occasion « WeGame »).
Ne pas être seulement un magasin, mais un magasin qui règle des problèmes.
Il faut plus qu’un linéaire en ligne. Quels sont les problèmes qui restent à régler aujourd’hui, auxquels un WeGame pourrait s’attaquer avec un avantage concurrentiel décisif face à Steam ? Il est tentant de regarder du côté des synergies possibles avec ses autres activités (notamment un réseau social multi-plateforme, WeChat, souvent qualifié de « Facebook chinois », et une messagerie instantanée, Tencent QQ ; mais aussi de la distribution musicale et de la production de films). Mais est-ce que l’avenir est vraiment à l’intégration tous azimuts, à une plateforme qui mêlerait jeux, streaming, réseaux sociaux ou par exemple retransmission d’événements e-sportifs ?
WeGame se heurterait tôt ou tard à des acteurs autrement musclés que Valve. En première ligne, Facebook, qui a indiqué mi-avril lors de la conférence F8 qu’il réunissait 800 millions de joueurs actifs par mois sur ses différentes plateformes et comptait accélérer l’intégration de la réalité virtuelle (Mark s’est offert Oculus, rappelez-vous). N’oublions pas Amazon : en plus de détenir l’infrastructure de référence pour l’hébergement des jeux online (AWS), d’avoir acheté un moteur 3D à Crytek pour le distribuer gratuitement, la boîte à Bezos est en train de transformer Twitch en une sorte de magasin de jeux vidéo pour impulsifs.
Alors, même en comptant sur des centaines de millions de joueurs chinois, WeGame n’est probablement pas près de nous faire abandonner Steam. À première vue, l’engin de Tencent ressemble plus à une muraille qu’à un bélier : il s’agirait plutôt de consolider son marché et de résister à son infiltration par les grands acteurs de l’Internet occidentaux. Et ce serait déjà un gros succès.