Nos excellents confrères et colocataires de Canard PC Hardware ont publié l’été dernier (dans leur numéro 29) un dossier très complet sur la façon dont nous sommes espionnés par nos objets. La chose étant d’utilité publique, ils ont décidé de mettre la totalité de ce dossier en accès gratuit (sur leur site, que je vous recommande d’aller voir : www.cpchardware.com). Comme une partie non négligeable de ce dossier porte sur des appareils ou logiciels que tous les joueurs utilisent, laissez-moi vous rappeler les principaux points, ne serait-ce que pour vous donner envie d’aller lire les détails.
Cela commence évidemment par les problèmes soulevés par le comportement de Windows 10 qui, entre la télémétrie très active et les échanges de données permanents entre Cortana et Bing, arrive à se rendre extrêmement antipathique. Mais ce n’est rien comparé au véritable espionnage permanent que pratiquent les magasins en ligne Steam, Battle.net ou Origin. Non seulement le détail de vos sessions de jeux sont épluchés intégralement (heures, durée, options, nombre de lancements… même le nombre de clics sur le Steam Controller !), mais les deux derniers en profitent pour vous gaver de cookies de régies publicitaires. Gog est plus mesuré, vous collant tout de même un gif de 1x1 pixel de la part de DoubleClick, histoire de.
Vous croyez que ça suffit ? Pas du tout. Vous oubliez vos drivers graphiques. Mais oui, ces monstres softwares désormais boursouflés vous espionnent eux-aussi, et pas qu’un peu. Le GeForce Experience en particulier est en passe de faire véritablement scandale tant il rapatrie de données sur vous, votre machine et vos comportements d’utilisateur.
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Jeu vidéo et vie privée
Le projet du gouvernement de constituer un vaste fichier de 60 millions de personnes a récemment relancé le débat sur les problématiques de la surveillance, de la sécurité des données et de la protection de la vie privée dans notre merveilleux monde numérique. C’est l’occasion de rappeler que les joueurs sont particulièrement exposés.
Vos drivers graphiques vous espionnent, et pas qu’un peu.
Vos jeux eux-mêmes parlent dans votre dos. De plus en plus de développeurs s’autorisent à surveiller vos sessions via une forme ou une autre de télémétrie. Et si vous jouez sur votre téléphone mobile Android ou Windows (si, si, il y en a), sachez également que celui-ci renseigne abondamment Google ou Microsoft sur vos habitudes d’usage. Seul Apple semble se montrer un peu plus raisonnable avec iOS.
Dans le jeu vidéo, c’est l’avènement du free-to-play comme modèle économique dominant qui a naturellement poussé les acteurs de l’industrie vers le big data et son utilisation la plus pointue. Dans un jeu gratuit dont la rentabilité repose sur les micropaiements d’une petite fraction des dizaines de millions d’utilisateurs, les opérateurs sont concentrés sur la détection de schémas comportementaux qui leur permettent de jauger le plus précisément possible les conditions du passage à l’acte de paiement. Qui, dans quelles situations, à quel endroit, à quel moment, sur quelle couleur de bouton ? La connaissance précise des réponses à ces questions (et à des dizaines d’autres plus fines encore, incluant éventuellement des données GPS) conditionne désormais le comportement du jeu à l’égard de son utilisateur, comportement qui sera potentiellement différent suivant les joueurs. Oui, vous croyez jouer au même jeu que votre voisin, mais ce n’est plus tout à fait le cas : de subtiles différences peuvent y être introduites (difficulté, options proposées…) en fonction de votre profil.
Cette science du big data et des algorithmes qui l’utilisent représente la clé des profits pour les cadors du jeu mobile (comme autrefois pour les jeux sur Facebook). Ce sont des secrets industriels jalousement gardés. Mais à un moment, il faudra que le bien public prime sur l’avantage compétitif pour que nous sachions ce qu’il est fait de ces données, comment elles sont sécurisées et si notre vie privée mérite encore son adjectif.