Il faut bien le dire, ce Cabinet, même s’il y a ma signature en haut, est généralement une œuvre collective. Je souhaite profiter de ce que je n’ai trouvé absolument aucun connecteur logique, thématique ou autre pour meubler ce chapô par un frétillant hommage à Pipomantis et Netsabes, qui participent par l’éclectisme de leurs fréquentations à la richesse de cette rubrique. (Soit, j’aurais pu tricoter un truc autour de la notion de héros incongru, mais je préfère adresser ma gratitude à des êtres vivants).
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Poing de miettes
Palmystery – La main dans l’amen Quand je ferme les yeux et que j’imagine ce à quoi pourrait ressembler l’essence du jeu qui aurait sa place dans cette colonne, cela ressemble beaucoup à Palmystery. Palmystery ne vous explique rien. Vous êtes, et c’est déjà pas mal. En vue à la première personne, mais sans aucun indice sur la nature de cette personne (est-elle seulement une personne ?), vous allez passer quelques dizaines de minutes à vous promener. Et rien d’autre. Mais pas n’importe où. Entre rêverie induite par l’usage d’agents psychoactifs, autohypnose et expérience mystique, vous traverserez des champs de mains. Au début on n’y fait guère attention, ce sont des mains comme cela pourrait être des livres, des chaussettes ou des nez, quelque chose quoi. Mais non, on se rend compte que les mains, sans qu’il soit besoin de leur dessiner des yeux et des bouches, expriment une multitude de choses. La prière, l’invitation, l’amour ou le dédain. Je m’y suis baladée, un peu sonnée par ce voyage démesuré, à travers des dimensions que je n’imaginais pas, où des araignées géantes cédaient la place à d’ondulants ressorts magiques, pendant que les musiques donnaient la sensation d’être rentré dans la télé pendant un épisode de Tracks encore plus perché que les autres. Bref, c’est très unique, et une fois qu’on a rangé son mauvais esprit dans sa poche, il y a là une chouette épopée intérieure.
Genre : exploration manuelle – Développeuse : Paloma “Palgal” Dawkins (Canada) – URL : https://palgal.itch.io/palmystery
A Day in the Life of a Slice of Bread – Un jeu avec Bread Pitt Il doit y avoir un truc dans le pain de mie, et plus particulièrement dans sa tranche, qui fascine les développeurs de jeux vidéo. Après I am Bread (Bossa Studio, 2015), agréable simulation de tranche de pain luttant pour sa délicieuseté en vue à la troisième personne, voici A Day in the Life of a Slice of Bread, de The Bee’s Knees, qui est lui sorti à l’été 2015 (coïncidence ? Le doute est permis). Moins impressionnant techniquement que I am Bread, nous sommes ici face à un roman interactif, qui vous place dans la croûte d’une tranche de pain. Celle-ci prend subitement conscience d’elle-même, pile au moment où un couteau la sépare de sa famiche. D’adorables graphismes assez kawaii (Sasquatchii est graphiste le jour, visual novelist la nuit) et un doublage de très bonne qualité viennent soutenir la portée émotionnelle de l’aventure que vous allez vivre en tant que viennoiserie. Des aventures mêmes, puisque de nombreux embranchements vous permettront d’explorer une variété d’attitudes face à la vie, et leurs conséquences. J’en profite pour louer la densité parfaite, ramassée mais moelleuse, des segments, que vous rejouerez et explorerez, à n’en pas douter, avec bonheur. Vous verrez alors que ce n’est pas parce qu’on est une tranche de pain industriel que l’on est totalement étranger à la philosophie, les questionnements ontologiques ici soulevés ayant été de nature à m’empêcher de trouver le sommeil la nuit dernière.
Genre : tranche de vie – Développeuse : Sasquatchii (États-Unis) – URL : https://sasquatchii.itch.io/a-day-in-the-life-of-a-slice-of-bread